calais (62)
culture
théâtre
fabrique théâtrale
un café-restaurant
des espaces de concerts et CONFÉRENCES
atelier de productions
restructuration et extension
LIVRAISON 2024
THÉÂTRE DU HANGAR CRESPIN DANS LE PORT DE CALAIS
Depuis longtemps, ce territoire fait naître en moi un sentiment de poésie mélancolique, que j’expérimente lors de mes nombreux passages en direction de l’Angleterre. En traversant les Hauts-de-France, région ponctuée de terrils aux formes coniques, j’ai souvent médité sur les pénibles efforts déployés durant des générations pour extraire du ventre de la terre ces masses de résidus miniers qui ont transformé les reliefs de ce plat pays. Ces collines artificielles me touchent dans leur simplicité, et projettent comme un symbole d’émergence et de verticalité positive qui peut résonner au cœur même de l’acte architectural. Changés par les effets de l’industrialisation, le territoire et sa géographie nous offrent des paysages faits de contrastes forts.
L’IDÉAL D’UN ESPACE D’OPPORTUNITÉS
Sur place, trois espaces intérieurs aux volumes imposants et traversants qui s’alignent le long du bâtiment me poussent à créer de nouvelles façades et entrées : j’en envisage une sur l’eau, une sur le quai et une dernière sur le vide de l’aire de manœuvre. Ces trois séquences d’entrée et de sortie agissent comme un signe puissant, guidant une organisation générale inédite. Ainsi, les trois espaces intérieurs d’origine, parcourables aisément, sans obligation de sortie, se fondent et ne font qu’un, en proposant cinq axes de traversées possibles.
Le programme suggère d’implanter les deux grandes salles de plain-pied. Ce choix tend à comprimer les surfaces d’accueil. Porter à plus de quatre mètres de hauteur une bonne partie des fonctions demandées initialement au rez-de-chaussée, comprenant les deux importantes salles de spectacle, s’est imposé comme une évidence dès la découverte du site : cela offre l’occasion d’une déambulation optimale, qui libère quelque 1 700 m² en un volume unique. Mais outre ce gain d’espace considérable, ce geste architectural, qui déroge au cahier des charges, nous permet de conserver l’âme du site et la patine du temps : les sols, les murs et la structure globale au sein de laquelle on peut tout imaginer – une place de débat, un skate park, l’organisation de bals, de concerts, de compétitions de freestyle, etc…
Le volume unique du rez-de-chaussée articule les fonctions de restaurant, d’administration, de résidence d’écriture, de salle de répétition (ouverte aux associations), de studios son, vidéo et d’ateliers. Si certaines activités peuvent se dérober derrière des occultations, la perméabilité des vues est renforcée au quotidien : l’espace café-restaurant se confond avec l’espace public par de larges baies vitrées, avec vue sur le bassin et, de même, l’administration prend la lumière. Un vaste espace donc, sans hiérarchie, interchangeable, qui laisse libre cours à l’informel, à la créativité, aux jeux, prises de paroles, événements attendus et fortuits, à l’intergénérationnel et à l’interaction entre artistes et machinistes, employés et public…
Un théâtre idéal d’opportunités, de convivialité et de relations. Au Centquatre-Paris, ce type de dispositif a déjà fait ses preuves, en contribuant largement à son succès. Il n’est pas possible, finalement, de le déployer dans toutes les possibilités de son envergure, comme nous le verrons plus loin ; mais cette conception initiale nous a permis de dessiner un schéma général qui va perdurer en donnant l’esprit du site : celui-ci se fonde sur l’alliance contrastée et néanmoins fusionnelle entre le bâti ancien et le volume imposant et géométrique du béton. Nous utiliserons et adapterons bientôt en d’autres lieux les bienfaits de ce dispositif.
« Deus ex machina, tout change et rien ne change. Rien ne change, la scène le Hangar Crespin, le port, Calais, les acteurs, la pièce jouée… Notre projet demeure le même il se modèle renverse quelques scènes pour une meilleure cohérence, il se dépouille du superflu et se concentre davantage à rendre évidentes ces différentes fonctions. Comment ? en faisant descendre tout simplement la grande salle au niveau des accès ! »
IDENTITÉ ET NOUVELLES ÉMERGENCES
Les montées du public se font aux quatre coins cardinaux, par des escaliers envahis de lumières zénithales, véritables puits inondant le cœur du dispositif. Nous envisageons les espaces de création que sont la grande et la petite salle comme un laboratoire expérimental. Il s’agit de boîtes noires dotées d’outils scénographiques performants, permettant un travail de recherche tous azimuts : créations sonores, visuelles, scénographiques, véritable socle pour des décors élaborés. La logistique est assurée par une rampe d’accès donnant sur le grand espace. Cet agencement de taille est volontiers apparent, à l’instar de l’environnement portuaire qui déploie d’innombrables structures industrielles.
«Le hangar Crespin coexiste avec ce corps aux traits ciselés, expression catégorique et établie d’un changement d’usage assumé. Ainsi le bâtiment est investi sans être submergé, dominé ou écrasé : il contient plus qu’il est contenu, il porte et soutient, englobe et embrasse un bloc hiératique à la légèreté monumentale, théâtre unitaire de tous les possibles.»
Le maintien du bâti périphérique en briques d’origine, qui comprend façades principales et latérales, préserve l’identité du hangar Crespin. Les départs de toitures, même sur les parties centrales, sont maintenus et la mise en valeur des pignons est recherchée. Cette enveloppe de briques rouges, rehaussée d’une modénature (dentelles) blanche, est magnifiée. Les émergences frontales positionnées au centre écartent tout alignement sur la périphérie, et leurs teintes sombres forment un ensemble paradoxalement unitaire. Aucune excroissance latérale ne vient perturber la lecture de l’ensemble, seules trois ouvertures discrètes sur le restaurant et l’administration sont opérées. Le mouvement des volumes est voulu du bas vers le haut, telle une irruption parallélépipédique. Les variations découpent le ciel, dialoguent avec les appareillages de briques, s’adaptent intégralement aux fonctions contenues, et leur juxtaposition rappelle la formation à la fois inattendue et naturelle d’un terril géométrique et moderne.
« La construction d’un terril géométrique et moderne. »
Le hangar Crespin coexiste avec ce corps aux traits ciselés, expression catégorique et établie d’un changement d’usage assumé. Ainsi le bâtiment est investi sans être submergé, dominé ou écrasé : il contient plus qu’il est contenu, il porte et soutient, englobe et embrasse un bloc hiératique à la légèreté monumentale, théâtre unitaire de tous les possibles. Ce théâtre unitaire de tous les possibles va garder sa fonction centrale en prenant ancrage au sol, comme un navire qui descend avec la baisse du niveau des eaux, et vient reposer en fond de cale.
LA GRANDE SALLE TEL UN NAVIRE EN FOND DE CALE
Le béton, architectonique de qualité, est ici choisi autant pour ses capacités mécaniques et le confort acoustique qu’il confère, que pour ses qualités de robustesse et de résistance mécanique aux portées. La masse et l’opacité garantissent l’isolement des basses, et prémunissent de toutes les intrusions sonores, vers l’intérieur du bâtiment comme vers l’extérieur (l’activité du port).
Quatre grandes halles seront maintenues, au droit de chaque fronton, deux à l’est et deux à l’ouest. Une large galerie les desservira entre elles, le long de la façade nord donnant sur le bassin. Les ouvertures existantes rythmeront et agrémenteront les déplacements des futurs usagers. Les charpentes métalliques seront déconstruites, réhabilitées et serviront de structure en partie pour la reconfiguration des quatre halles conservées, ainsi que pour la mise en œuvre d’une structure porteuse pour l’abri des conteneurs en fond de parcelle, à l’extérieur.
La grande salle de production et de représentation ne peut rester suspendue, d’après des études approfondies sur la logistique et ses fonctionnalités. Elle descend donc d’un niveau, Elle se cale au fond du hangar, en son milieu, toujours à distance des murs d’enceinte, en gardant sa monumentalité. Cette modification change les fonctionnalités et les mouvements des usagers, sans altérer la richesse des orientations spatiales engagées dans la première projection fondatrice. La logistique de la grande salle s’en trouve simplifiée. La manutention se fait directement depuis l’extérieur par deux portes de grand gabarit. Les deux halles sur le fronton est servent de lieux de vie, de création et d’événements, accessibles au public tout en étant dédiés à la logistique de la grande salle. Les halles permettent aussi la manutention à l’abri des intempéries et un espace de travail protégé pour les techniciens en charge des décors. La fluidité des déplacements des artistes se trouve optimisée. Accessible depuis la loge de proximité, elle fait le tour complet de la grande salle. Cette circulation se retrouve à l’étage, distribuant les différents locaux dédiés au travail de la compagnie : loges, studios de répétition, studios de création (écriture, son, vidéo) et atelier de confection des costumes.
« Mais outre ce gain d’espace considérable, ce geste architectural, qui déroge au cahier des charges, nous permet de conserver l’âme du site »
Quant à la petite salle, elle est toujours suspendue au niveau supérieur. En dessous d’elle, un vaste espace donnant sur les frontons ouest reste libre. Le bar-restaurant se déploie ici librement sans obstacles, décoré par les poteaux sculptés de la structure.
Au-dessus, une aile est dédiée à l’administration, une autre aux rangements du matériel. L’administration donne sur le bassin, les espaces de travail s’ouvrant vers des terrasses récréatives. Au dernier niveau, accessible (celui du gril/faux gril), se trouve un studio d’écriture agrémenté d’une large terrasse, dotée d’une vue imprenable sur le bassin, le port, le grand large – Angleterre en partance et promesses de voyages et d’horizons.
La petite salle est accessible au public par deux escaliers droits longeant le mur massif d’origine en brique, sous une verrière baignée de lumière. L’accès se fait par deux passerelles traversantes. Au-dessus de cette dernière, une enveloppe de béton sert à dissimuler les gaines et autres éléments techniques et fait la jonction entre les deux salles. Elle crée un vide mis à profit pour le placement d’une bande lumineuse, signalétique visible de l’intérieur comme de l’extérieur puisqu’elle dépasse des deux côtés du bâtiment, reprenant l’idée inversée d’un beffroi ou d’un phare.
La logistique de cette salle est assurée par un monte-charge qui s’ouvre sur une large plateforme. Son approvisionnement se fait directement depuis l’extérieur sur l’aire de livraison. La salle touche le foyer privé, en proximité immédiate des studios, des loges, de la buanderie, des commodités… La vie de la troupe s’en trouve renforcée par la densité et la proximité des différentes fonctions de production. Le foyer privé, à la jonction de l’ensemble, devient le centre de vie. Sur une double hauteur, une large baie vers l’entrée en contrebas sur la halle ouest et une terrasse en forme de jetée surplombant le bassin. Les acteurs peuvent désormais accéder au plateau par trois côtés.
Ainsi le calage au sol de la grande salle permet de compacter les circulations et de proposer un projet au fonctionnement optimisé. De fait, nous réduisons les surfaces, les masses construites, le coût de construction, tout en veillant à maintenir les qualités spatiales et architecturales recherchées.
Lieu
calais (62)
Maître d’ouvrage
région hauts de france
Financeurs
région hauts de france, ville de calais, L’Etat, La Communauté Européenne
Exploitant
si vous pouviez laicher mon coeur, compagnie de julien gosselin
Architecte
FARIDAZIB
Chef de projet
claudio pantano
Assistants
isabelle pinsolle, victoria
scénographie
scenévolution
réemploi et bas carbone
cycles de ville
Économie
vpeas
Structure
evp
Fluides, SSI
betc
acoustique
altia
images
claudio pantano et Tijani Loussaeif
maquette
baurum
Surface
5600 m²
Coût
13.75 M²
Concours
2020